Local Hero : the Spanish connection

Je suis un très grand fan de Mark Knopfler, que ce soit de son travail passé avec Dire Straits ou de ses oeuvres ultérieures en solo. J'aurai très certainement l'occasion de reparler de lui dans ce blog...

Vous le savez, ou vous ne le savez pas, mais Mark Knopfler a aussi composé la musique de quelques films. Pas forcément des films très connus, mais c'est un détail secondaire. De ma propre expérience, c'est étrangement un aspect de son oeuvre qui n'a jamais attiré ma curiosité.

Pourquoi ?

En premier lieu parce que je supposais (à raison, en grande partie) qu'il s'agissait de musique instrumentale, et j'étais initialement davantage intéressé par ses chansons.

Ensuite parce qu'à l'époque où je commence à suivre sa carrière, on trouvait plus facilement les albums de Dire Straits dans les bacs des disquaires que ses musiques de film... Le disque de musique de film est souvent un objet à la longévité limitée. Sauf exception, il existe le temps d'exploitation du film et le plus souvent pas au-delà.

Mais tout de même, parfois on se surprend soi-même. L'excellent album live de Dire Straits, Alchemy (1984), se termine par un titre instrumental : Going Home, sous-titré « thème from Local Hero ». J'avais donc au moins cette référence, ce point de repère, un titre de film (réalisé par Bill Forsyth, 1983). En outre, le morceau en question est très bon, de quoi faire réfléchir sur l'intérêt d'enquêter sur ce genre de musique.

Etape suivante. De passage dans une solderie, je fouine dans les bacs de disques, puis je remarque un présentoir avec des cassettes d'occasion. Les mots « Local Hero » et « Mark Knopfler » attirent bien vite mon regard. Je regarde de plus près et oui, c'est bien cette musique de film-là que je connais, je retrouve Going Home dans la liste des titres. Je me dis « ma foi, pourquoi pas ? » et j'achète la cassette (je consommais la musique surtout sur cassette à ce moment).

Vous le croirez, ou vous ne le croirez pas, mais ce n'est qu'en rentrant chez moi que j'ai découvert qu'il s'agissait d'une édition espagnole ! Passé ce détail interpellant, j'ai donc pu écouter ma première musique de film signée Mark Knopfler, une musique qui plus est d'un film que je n'avais pas vu... Alors dans ma tête, me passant et repassant les morceaux, assez mal aidé par des titres pas vraiment très éclairant,s j'essayais de deviner l'histoire du film à partir des mélodies et des ambiances. Et là on s'accroche, ça va être du grand n'importe quoi.

Ça commence la nuit, quelque part sur l'océan, des phénomènes surnaturelles, lumineux et sonores, se produisent entre le ciel et la surface, genre aurore boréale, mais avec de la musique, et il y a des dauphins qui passent la tête hors de l'eau pour jeter un œil. Après quelques minutes, les phénomènes disparaissent et l'océan retourne à sa quiétude ; pour un peu, on croirait avoir rêvé.

On est ensuite transporté à terre, dans un milieu urbain, moderne, une ville donc, avec des gens qui courent partout, des voitures bruyantes, une vie nocturne penchant volontiers vers l'artifice. C'est là que nous rencontrons notre héros, un homme qui se sent quelque peu étranger à lui-même, à la recherche du vrai sens de la vie. La voix sucrée des crooners ne pouvant plus rien pour lui, il quitte ce monde factice pour un endroit reculé et sauvage où l'on dit que l'on peut parfois entendre une musique céleste et pure, une musique propre – croit-il – à lui apporter les réponses qu'il cherche.

L'endroit en question, tout de rochers austères et de nature ingrate, est situé non loin de l'océan contemplé au commencement. On y trouve aussi une petit communauté de gens sobres et vrais, rudes, mais sincères, dont la musique folklorique est en phase, à sa manière, avec les mélodies venues du ciel et de la mer. Sur place, bien qu'aidé par une jeune fille bienveillante, notre héros a bien du mal à faire se manifester les puissances du paranormal, parce qu'il échoue à percevoir la vraie nature de la musique folk de ces contrées oubliées... Jusqu'au jour où les planètes sont enfin alignés, il ouvre son coeur, il voit la lumière et les cieux l'inondent de musique en un flamboyant final.

Je vous avais prévenu que ça allait être n'importe quoi... Toutefois, après avoir vu le film, j'y ai retrouvé quelques uns des thèmes que j'avais pu deviner : l'opposition modernité stérile / traditions authentiques, l'environnement âpre d'un petit village d'Ecosse, la musique locale, les aurores boréales, le parcours intérieur autant que géographique du personnage principal. Je ne pense pas être plus clairvoyant qu'un autre, juste sensible à la musique et à ce qu'elle véhicule de façon plus transparente qu'on ne le croit peut-être.


Indépendamment du film qu'il est supposé accompagner, Local Hero reste une expérience musicale d'un intérêt – à mes yeux – certain, tantôt atmosphérique, tantôt méditative. On peut s'en contenter en arrière-plan, mais on peut aussi s'y plonger en explorateur sonore. De toutes les musiques de film que Mark Knopfler réalisa dans cette période, c'est probablement la meilleure, la plus autonome... et certainement ma préférée, celle que je me repasse le plus souvent. Et l'impact euphorique et intemporel d'une mélodie telle que celle Going Home,par exemple, n'est plus à démontrer.

14 ans séparent ces deux médias

Je me souviens que la première fois que j'ai écouté ma cassette, j'ai cru qu'elle avait un problème. Pendant le premier morceau, The Rocks and the Water, on entend une sorte de bruit régulier, comme un sonar ou une balise qui émet un signal. Moi, j'ai d'abord cru que c'était la cassette qui grinçait... c'est dire si elle avait tout de même l'air un peu vieille sur le rayonnage de la solderie pour susciter cette petite frayeur. Par après, j'ai pu me procurer le CD de Local Hero c'est la version remasterisée de 1997, mais c'est surtout une version dotée d'un livret plus complet que le très concis insert accompagnant la cassette. J'ai ainsi pu enfin découvrir, outre une jolie photo de Mark Knopfler dans un beau costume rose à rayures, les noms des musiciens participants à l'enregistrement, apprendre que c'est Gerry Rafferty qui prête sa voix au seul morceau vocal du disque. En outre on devine aussi à quel point l'enregistrement de Local Hero et celui de Love Over Gold, l'album sur lequel Dire Straits travaillait à cette époque, étaient alors entremêlées : membres du groupe participants aux mêmes sessions (surtout le claviériste Alan Clark), identique ingénieur du son (Neil Dorfsman). A part les parties de musique folklorique écossaise enregistrée ailleurs, tout a été produit d'un même élan.

Avec une chemise coupée dans les même rideaux...

Le son du CD est aussi parfait qu'on peut le souhaiter, bien entendu, mais ma vieille cassette espagnole, de type I qui plus est, se défend encore bien, compte tenu de ses 37 ans d'âge. Elle me permet encore de me replonger avec nostalgie dans cette époque lointaine où armé de mon fidèle baladeur, je fermais les yeux très fort pour m'immerger dans la musique, pour essayer d'imaginer l'histoire d'un film que je n'avais pas vu.

C'est tout pour aujourd'hui. Portez-vous bien et écoutez de la musique.


Pour les plus curieux, référence discogs :

https://www.discogs.com/Mark-Knopfler-Local-Hero/release/12395829

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