Pas physionomiste pour deux sous, j'ai découvert récemment que je voyais une seule et même personne comme deux individus différents. Bon... peut-être que ça mérite une petite explication...
Vous connaissez très probablement la chanson Don't Cry de Guns n' Roses, extrait de leur massif double album Use Your Illusion publié en 1991, et aussi son clip vidéo, fréquemment diffusé à l'époque. Peut-être vous rappelez-vous que plusieurs séquences de ce clip font figurer le groupe sur le toit d'un immeuble, dans une mise en scène un peu agitée, avec un hélicoptère qui tourne autour des musiciens, braquant sur eux un spot lumineux ? Une chose ici m'a toujours laissé perplexe : l'identité d'une des personnes présentes sur ce toit. En effet, malgré le montage épileptique, on voit bien que le chanteur Axl Rose est accompagné par un second chanteur, un gars qui lui ressemble pas mal d'ailleurs, short douteux, chemise à carreaux, cheveux longs, pas très bien rasé. Mon idée, c'était qu'on avait engagé un mauvais sosie d'Axl Rose pour faire genre... heu... une sorte de dédoublement ? Et c'était pas forcément idiot, parce qu'à un autre moment dans le même clip, on a carrément trois Axl Rose présents dans la même pièce, alors pourquoi pas ? Mais pas de wikipedia à ce moment pour vérifier... Et quand plus tard, j'ai eu le CD de Use Your Illusion entre les mains, je n'ai pas tout de suite pensé à vérifier que pour ce titre le livret mentionne un certain « Shannon » partageant les « vocals » avec « Axl » ; ça aurait pu me mettre sur une piste...
C'est qui, ce type au second plan ? |
Vous connaissez Blind Melon ? Un très intéressant groupe de rock américain des années 90. Je les ai découverts (comme beaucoup d'autres sans doute) avec la chanson No Rain en 1993, un extrait de leur premier album éponyme, Blind Melon, publié fin 1992. Le clip vidéo de No Rain n'est pas inintéressant non plus, une fantaisie un peu décalée où les membres du groupe, comme échappés d'une communauté hippie qui ferait de la résistance, batifolent dans un pré et distillent les notes d'une musique sensiblement en porte-à-faux avec l'ambiance anxieuse du grunge à la mode à ce moment, quelque chose de plus délicieusement futile, léger, suranné, tout droit sorti d'une autre époque... Le chanteur de Blind Melon est un certain Shannon Hoon. Une information somme toute triviale, jusqu'à ce qu'un soir de désoeuvrement, je décide d'approfondir un peu mes connaissances sur la biographie du groupe. Il se fait que ce Shannon Hoon était un pote d'Axl Rose et qu'il était allé poser sa voix sur quelques titres de Use Your Illusion. Sa participation aux harmonies de Don't Cry a du être jugée suffisamment significative pour qu'on le fasse apparaître dans le clip. Je venais enfin de trouver l'explication à la présence de cet étrange personnage dans la vidéo. Et en plus, c'était quelqu'un que je connaissais par ailleurs ! Le monde est petit...
Un bon vieux jewel case d'antan... |
Revenons à Blind Melon et à leur premier album. Malgré la signature sonore très particulière de No Rain, ce disque n'est pas totalement déconnecté des modes du moment : il a été enregistré pour la plus grande partie à Seattle (!) par le même producteur que le premier Pearl Jam, Rick Parashar. Et puis il y a le look chevelu des musiciens aussi... Mais au final, je trouve que cet album échappe tout de même aux obsessions sombres et sinistres, aux grosses guitares saturées souvent mises en avant dans le grunge. Il me fait l'effet d'un exercice plus lumineux, sautillant, presque positif et cool.
On notera surtout qu'un effort particulier a été fourni, dans le matériel comme dans le son, pour se rapprocher du feeling vintage des enregistrements seventies. Les références du groupe sont clairement dans le passé, et la démarche suivie plutôt cohérente. C'est cet aspect néo-rétro qui constitue pour moi le principal facteur de séduction de ce disque ; il sonne comme peu d'autres dans ma collection, c'est de la musique des années 90 jouée comme à Woodstock.
Une impression sur CD très... sobre... |
Ce qui est aussi étonnant avec No Rain, c'est qu'il s'agit clairement du titre ayant le plus un format « chanson », une structure plus confortable (couplet/refrain, couplet/refrain, etc...) ; pas étonnant que ce soit devenu un single (et probablement le plus populaire du disque). En effet l'album m'apparaît particulièrement indiscipliné. La musique va dans tous les sens, les paroles ne semblent suivre aucun cadre très rigide, tout se fait, coule et rebondit au rythme des improvisations (ou de ce qui semble en être)... Dès lors, si on fait abstraction des silences entre les plages, toutes les chansons pourraient très bien se suivre et se fondre l'une dans l'autre, formant ainsi une sorte de longue jam session psychédélique. Les morceaux peuvent être tantôt plus nerveux, tantôt plus lents, mais néanmoins totalement compatibles l'un avec l'autre. C'est un disque à écouter comme un long trip musical.
Tout ce joyeux méli-mélo ne manque pourtant pas de personnalité, l'élément unificateur reposant surtout sur la voix de Hoon, étrange alliage de fragilité et de punch, mais aussi sur le talent des musiciens. Ils sont à l'aise dans tous les registres abordés ici, pop, rock, funky, ballade,... avec une mention particulière pour le jeu des guitaristes Rogers Stevens et Christopher Thorn. Au final, un semblant de désordre, mais maîtrisé, un voyage musical foisonnant, mais mené à bon port par le savoir-faire et la cohésion des membres du groupe.
Si vous arrivez à déchiffrer les paroles, vous pouvez même chanter avec le groupe... |
En conclusion, Blind Melon de Blind Melon est un album aussi passionnant qu'il est peut-être difficile à étiqueter. Grunge ? Post-grunge ? Néo-vintage ? Et puis, quelle direction prendre avec ça ? Du talent, certes, mais n'ont-ils pas tout dit dès leur premier opus tant celui-ci est touffu ? Ou au contraire, n'est-ce pas une formidable rampe de lancement vers une large gamme de possibilités ? Là, je triche un peu parce que je connais déjà la suite... Peut-être un jour, sûrement un jour, je trouverais le temps d'écrire aussi quelques mots sur leur très intéressant deuxième album. En attendant, je ne peux que vous encourager à vous (re)plonger dans la délicate poésie démodée de No Rain et des autres plages de ce disque.
C'est tout pour aujourd'hui. Portez-vous bien et écoutez de la musique.
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