Pour la plupart des gens, le nom de Spin Doctors doit sans doute être rangé parmi les one-hit-wonders, cette catégorie d'artistes principalement connus pour un unique tube. D'ailleurs bien souvent, ils n'ont rien fait d'autre (ou si peu) et une fois le succès passé, une fois leur quart d'heure de célébrité terminé, ils ont disparu dans les oubliettes de l'histoire. Seule leur oeuvre (forcément limitée) leur survit quelque peu, généralement dans des compilations du type « Best of the [insérer ici une décade au hasard] ».
Et oui, vus de loin, les Spin Doctors, on aurait tendance à penser qu'ils n'existent pas en dehors de leur grand succès de 1993, Two Princes. Un tube, rapidement devenu une scie, et puis surtout un malentendu. Défenseur d'un rock jovial et très funky, Spin Doctors est davantage un groupe de jam qu'une usine à tubes pour radio commerciale. Leur écosystème, c'est jouer dans un bar et d'enchaîner les improvisations dans un flux musical ininterrompu jusqu'au petit matin. Avec Two Princes, ils se sont retrouvés à devoir endosser un peu malgré eux le rôle d'interprètes de chansons pop-rock-post-grunge. Ce décalage, les rendant viscéralement incapables de donner au marché ce que celui-ci attendait d'eux, fera beaucoup pour les plonger assez vite dans une injuste obscurité au goût amer d'échec.
Et pourtant ! Musiciens plutôt solides, ils n'ont jamais cessé de composer et d'enregistrer, alignant les albums et les tournées malgré bien des vicissitudes (changement de line up, problèmes vocaux du chanteur,...) avec des fortunes diverses et généralement une visibilité internationale inexistante. Alors, je ne prétend pas être un spécialiste, mais j'ai tout de même quelques uns de leur disques et je les trouve tous plutôt recommandables. A mes yeux, Spin Doctors, c'est un groupe sympa qui aurait mérité une reconnaissance plus en phase avec leurs talents certains.
Dès le premier titre, on comprend que le groupe va nous entraîner dans un album très blues-rock ; c'est même clairement l'ouvrage le plus blues de tout ce que j'ai pu écouter d'eux jusqu'ici. Ce n'est pas du tout une orientation contradictoire avec leur tempérament à bien y réfléchir ; elle s'accorde facilement à leur manque habituel d'artifice. Ils balancent donc des chansons à la fois simples et joliment ficelées, sans complexe et avec certain savoir-faire ; ce n'est visiblement pas un univers qui leur est inconnu. De fait, sans réinventer vraiment quoi que ce soit dans ce style de répertoire, les musiciens se tirent assez bien de l'exercice, proposant un album compact et cohérent, plutôt jovial et inspiré. Les tempos sont variés, la couleur plutôt électrique et les textes font la part belles aux thèmes classiques de la solitude, de la fille qui est partie, de la ville où elle nous a laissé, des train qui y mènent, et de l'alcool bien sûr. C'est un disque diablement sympathique, une jolie manière d'occuper une après-midi sans se prendre la tête. Rien d'inoubliable en regard de la grande histoire du rock ne doit probablement en rester, mais ce n'est clairement pas le but.
La guitare d'Eric Schenkman habille parfaitement bien les morceaux, virevoltant ici et là avec une habilité efficace et mélodique, tandis que la section rythmique batterie/basse fait son boulot, moins sautillante certes que lorsqu'elle joue des morceaux plus funk. Quant au chanteur Chris Barron, il s'en sort mieux lors des morceaux les plus enjoués ; sur les titres plus lents en effet, ses limites sont plus audibles. Sans que ce soit un mauvais interprète (il a même un timbre bien à lui), sa voix manque d'un petit quelque chose, un petit supplément d'âme, une sorte de charge émotionnelle à laquelle on s'attend dans le blues et dont l'absence est plus sensible quand le tempo ralentit.
En ce qui concerne la qualité sonore, l'enregistrement présente un rendu correct ; c'est un CD récent après tout, mais je ne dirais pas qu'on atteint ici un summum de pureté acoustique. Cela n'a pas l'air non plus d'être un son calculé pour sonner « sale », afin de – par exemple – évoquer une atmosphère lourde et moite de bar mal famé. Non, ce n'est pas ça, c'est juste bon, mais sans aucune ambition audiophile. Une fois ce constat posé, je me dis que n'est pas forcément un défaut. Certes, il est possible que ce soit d'abord le reflet du budget limité engagé dans l'aventure. Je ne sais pas où, avec qui, avec quels moyens techniques les sessions se sont déroulées, mais en tout cas, l'objet-disque lui-même ne donne pas l'impression d'un projet particulièrement « premium ». Ce qu'il y a en fait, c'est que ça va bien aussi avec le côté peu sophistiqué des choix artistiques opérés ; « distillé à la main », vous vous rappelez, « no overdubs ». En outre, les instruments sonnent assez rapprochés les uns des autres ; ça donne clairement une ambiance du style « local de répétition ». Et on me dirait que chaque chanson a été enregistrée en une prise live, à l'aise, sans se prendre la tête, que je le croirais volontiers. Pour résumer, un groupe très relax, bidouille un disque de blues vite fait bien fait, avec les moyens du bord et une absence totale de prétention.
C'est tout pour aujourd'hui. Portez-vous bien et écoutez de la musique.
Pour les curieux, référence discogs :
https://www.discogs.com/fr/Spin-Doctors-If-The-River-Was-Whiskey/release/5275611
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