L'objet se présente sous la forme d'un fourreau cartonné en deux volets, chaque volet contenant un CD. C'est une édition assez rudimentaire et, à ma connaissance, il n'existe pas de version alternative plus luxueuse (mais il y a une version LP). L'artwork est assez sobre (et un peu sombre), reproduisant de vieilles photographies noires et blanches grossièrement colorisées. A l'arrière, on a une photo noir et blanc de John F. Kennedy. La décoration des disques évoquent de vieilles étiquettes d'anciens 33 tours. Il n'y a aucun livret ; les seules informations disponibles sont indiquées sur le carton (et sur les disques eux-mêmes). Etrangement aucun producteur n'est cité ; dès lors on supposera que Dylan a du produire lui-même (cependant il semble que Blake Mills, l'ingénieur du studio où ont eu lieu les enregistrements – Sound City à Los Angeles – a également eu un impact certain sur le son du disque). Les musiciens à l'oeuvre sont grosso modo les mêmes qui l'accompagnent sur scène ou en studio depuis des années. Enfin, toutes les chansons sont écrites par Bob Dylan.
Je peux avouer que cette collection de nouvelles chansons s'est fait un peu attendre... Pendant huit ans en effet, on aurait pu dire que Bob Dylan préférait publier disques après disques de reprises de Sinatra (à l'intérêt discutable), plutôt que d'offrir un successeur au très réussi The Tempest, son opus de 2012. Mais enfin, nous y voilà, alors qu'est-ce que ça donne ?
Et bien à la première écoute, cette nouvelle livraison m'a quelque peu désappointé. À l'image du morceau d'ouverture, I Contain Multitudes, on commence par se demander un peu où sont les chansons. À plusieurs reprises, Bob Dylan est davantage dans la récitation (de longues récitations) que dans le chant, et les musiciens derrière lui donnent l'impression de chatouiller leurs instruments juste ce qu'il faut pour meubler et éviter un embarrassant silence, parvenant tout juste à maintenir un semblant de tempo. De prime abord, tout ceci n'est donc guère palpitant. Et le disque est long – plus de 70 minutes en incluant Murder Most Foul, la chanson de presque 17 minutes qui occupe seule le second CD (oui, c'est un assemblage plutôt insolite) – dès lors il est aisé de perdre le fil de son écoute.
Alors, on se ressaisit. On prend un grand verre d'eau. On remet le disque dans le lecteur. On se concentre un peu.
Et l'album gagne à la réécoute. Il demande à être apprivoisé. Et il contient une part décente de titres plus rythmés, ou plus exactement avec une tension réelle et qui accrochent l'auditeur, du blues-rock avec de la pêche (False Prophet, Goodbye Jimmy Reed, Crossing the Rubicon), des folksongs prenantes (My Own Version of You, Black Rider, Key West). Ce n'est en effet pas une question de lenteur ou de vitesse, il ne s'agit pas de taper fort ou pas, mais bien de flow et de conviction. Il faut au moins qu'on ait le sentiment que les musiciens y croient, qu'ils nous fassent sentir que quelque chose se passe.
Mais malheureusement, les impressions nées de la première écoute ne sont pas toutes dissipées. Trop de passages m'ont semblé un peu nonchalants et auto-satisfaits, malgré l'intelligence des textes, des moments où la longueur devient presque une circonstance aggravante. On se met alors à rêver à ce qu'aurait pu donner une approche plus compacte du même album : une expérience sans doute aussi inspirée, mais moins soporifique. En attendant, on regarde sa montre...
Et c'est bien dommage parce qu'on sent bien que tout le monde s'applique. D'un point de vue technique, il n'y a rien à reprocher à ce disque. La voix de Dylan, avec le timbre rugueux qui est le sien depuis une vingtaine d'années et qui donne à la dernière partie de sa carrière sa couleur particulière, semble en tout cas bien mise en avant dans le mixage. De leur côté, si les instruments sont un peu en retrait, ils présentent néanmoins une belle clarté, occupent bien l'espace, mais avec légèreté. D'un point de vue sonore, c'est un album propre et chaleureux, sans extravagance ; tout est pondéré, limpide, flatteur.
Et les textes sont souvent passionnants, mobilisant une belle palette de thèmes, d'émotions et de références. On passe de la nostalgie au cynisme, du macabre à la paix intérieur de qui fait le bilan de sa vie, de l'évocation de la mort, sombre cavalier, au souvenir de l'année qui vit Kennedy assassiné, de Chopin à Frankenstein... Et on ne compte plus les répliques qui font mouche, les rimes qui tombent juste. Il y en a un qui finalement a bien mérité son Nobel de littérature.
Au final, ce nouveau Dylan n'est certainement pas une déception ; j'y reviendrai volontiers de temps à autres, mais ce n'est pas non plus à mes yeux une des plus grandes réussites du chanteur, quelque chose que l'on pourrait ranger à côté de Time Out of Mind (1997), par exemple. C'est une très plaisante écoute, mais il manque quelque chose. Il n'empêche que Dylan, bientôt octogénaire, reste un artiste en pleine possession de ses moyens avec encore des petites choses à nous dire. Rendez-vous au prochain album.
C'est tout pour aujourd'hui. Portez-vous bien et écoutez de la musique.
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