Le meilleur d'Elvis Presley ?

Je ne vais pas vous faire l'insulte de vous expliquer qui est Elvis Presley... D'un point de vue plus personnel et d'aussi loin que je me souvienne, il a toujours été un nom familier. Même avant que je ne me mette à écouter plus attentivement sa musique, il était déjà dans le paysage, un point de référence de ma culture générale, un nom résolument associé au rock 'n' roll et à des costumes de scène parfois douteux. Et dans son rayon, un chanteur avec une identité forte, qui surpasse de la tête et des épaules ses contemporains des années cinquante.

C'est surtout à l'occasion du trentième anniversaire de sa disparition, à la faveur de la couverture médiatique associée au dit anniversaire, que j'ai commencé à sérieusement explorer ses chansons, à écouter plus de choses, à acheter des disques, mais j'en parlerai plus en détail une autre fois. Le point important, c'est de comprendre que je connais aujourd'hui tout de même un peu le sujet. L'objet de ce billet plus particulièrement, c'est qu'il s'agit de commenter une acquisition toute récente : un double album en vinyle trouvé dans une solderie. La pochette en carton avait un peu souffert, mais rien qu'un peu de colle forte ne puisse réparer. Les disques eux-même sont magnifiquement intacts.


« Elvis Forever – 32 Hits » est une compilation de chansons d'Elvis parue en 1974. L'objet se présente sous la forme d'un double album vinyle dans une pochette de type « gatefold », publié chez RCA. Un Elvis Presley en costume blanc constellé de pierreries est en majesté sur la pochette. Honnêtement, c'est une photographie reguardable ; la discographie du King ne manque pas de visuels bien pires. La typographie du titre en perspective n'est pas fabuleuse, mais ça passe encore. Le sous-titre apparaissant dans une sorte de déchirure en trompe-l'oeil dans le carton de la pochette est une drôle d'idée ; moi je trouve ça peu convaincant, mais rien de grave (encore une fois, on a vu plus moche). Le dos de la pochette affiche les titres et les noms des auteurs et compositeurs. A l'intérieur, on trouve une galerie de la plus grande partie des disques parus jusqu'alors (je parle des albums, pas des « singles »), l'occasion de se rendre compte par soi-même que ce n'est pas dans ce registre que le plus d'effort esthétique a été consenti... Bien plus intéressante est la présence d'un cahier de 16 pages, abondamment illustré de photographies, racontant en anglais et en allemand la vie d'Elvis. Bizarrement le français n'est pas utilisé, et ce alors que différents éléments (les étiquettes – orange – sur les disques eux-mêmes ou encore l'adresse du siège français de RCA au indiquée au dos) suggèrent que l'on a très probablement affaire avec une version française de cette compilation. Bizarrement encore, le texte ne couvre que la première partie de la carrière du chanteur (jusqu'à la fin de son service militaire).


La discographie du chanteur ne manque pas de collections de ce genre, qu'elles soient parues de son vivant (et déjà très tôt dans sa carrière comme le premier volume de Golden Records en 1958) ou encore davantage après sa mort. Ce que je trouve intéressant, avec celle-ci, c'est que c'est l'une des premières (à ma connaissance) qui se donne les moyens de sa politique. Il ne s'agit pas de rassembler sur un LP des titres parus auparavant hors album. Il ne s'agit pas de rassembler à la va-vite une dizaine de titres pour espérer vendre une rondelle de vinyle à prix réduit entre un auto-radio et un bidon d'huile. Non, il s'agit ici véritablement de proposer une sélection à la fois copieuse et représentative de l'oeuvre enregistrée du King.

Copieuse, parce qu'en 1974, le patrimoine elvisien est déjà important, il est d'une richesse qui empêche – selon moi – de faire tenir toute tentative de compilation sur moins de deux disques. Les deux vinyles sont donc les bienvenus pour contenir les 32 titres choisis. Ce serait même le moins que l'on puisse faire (et en se limitant à un format pratique ; il y avait en effet eu le gros coffret 4 vinyles Worldwide Gold Award Hits paru en 1970, suivi d'un autre - aussi gros - l'année d'après).

Représentative, parce qu'à cette époque, la carrière du King est déjà passée par bien des phases, et avec des efforts divers, toutes sont représentées ici : le rock enfiévré des années cinquante, les chansons des films des années soixante, la soul blanche à partir du come-back de 68. Manquent à l'appel les débuts du chanteur, les morceaux enregistré pour le label Sun, ce singulier mélange de blues, country et même de gospel d'où allait sortir le rock 'n' roll, mais le panorama qui se dessine reste fascinant. Quoi qu'il en soit, on note un vrai soucis de vouloir réaliser un assemblage raisonné et intelligent. Voyons cela en détails.


Les chansons sont agencées par ordre chronologique et couvrent une période allant de 1956 à 1970, avec une large part consacrée aux années cinquante, tandis que les années septante sont assez peu représentées. Ce n'est pas entièrement une surprise. La période rock 'n' roll du jeune Elvis est certainement la plus emblématique et la plus populaire auprès de public tandis que la dernière décennie, à peine entamée au moment de cette compilation, hormis quelques tubes bien précis, a globalement laissé un souvenir moins flatteur.

Mais au-delà de ces détails, on ne boudera pas ici son plaisir. C'est véritablement une sélection fort bien opérée. Les tubes se succèdent à un rythme soutenu, de Heartbreak Hotel à Suspicions Mind. On tape du pied sur Hound Dog, on grimpe sur les murs avec Jailhouse Rock, on frémit avec sa version de Fever, on sourit avec Can't Help Falling in Love, on serre le poing avec In the Ghetto. Bien sûr, comme pour toute compilation, on pourra relever l'absence de l'un ou l'autre titre, de quantité d'autres titres d'ailleurs (Don't Be Cruel, Treat Me Nice, Little Sister, If I Can Dream) ; ce genre d'exercice atteint rarement la perfection, laquelle est aussi affaire de subjectivité. Toutefois, sur les 32 chansons, aucune n'est assez faible pour faire regretter sa présence sur ces disques. C'est du grand Elvis, de quoi faire la démonstration de sa parfaite maîtrise vocale, de quoi faire honneur au talent de ses accompagnateurs (Scotty Moore, les Jordanaires,...)


Enfin si on considère le son, compte tenu de l'âge du support (même si entretenu avec soin), c'est globalement de bonne qualité, mais le tout manque parfois du cohérence. D'une chanson à l'autre, on perçoit des petites différences de souffle, d'écho, de saturation occasionnelle. Est-ce dû au carambolages de morceaux issus de sessions d'enregistrements différentes ? Peut-être... Ou bien les compilateurs n'ont-ils pas eu systématiquement accès aux meilleurs masters disponibles ? Qui peut le dire... Quoi qu'il en soit, sur des éditions plus récentes, ces différences entre les chansons, une fois celles-ci numérisées et remasterisées, sont nettement moins audibles, le rendu y étant plus homogène.


Des morceaux qui fonctionnent, un aperçu certes perfectible, mais ambitieux, de la carrière du chanteur, un objet somme tout présentable, et un son à mon avis d'un niveau très acceptable vu l'époque, s'il ne fallait avoir qu'un (double) LP d'Elvis dans sa collection, celui-ce ne serait en fait pas mal du tout. Je soupçonne néanmoins qu'il donnera vite l'envie de découvrir davantage le répertoire du natif de Tupelo.

C'est tout pour aujourd'hui. Portez-vous bien et écoutez de la musique.


Pour les plus curieux, référence discogs :

https://www.discogs.com/fr/Elvis-Elvis-Forever/release/13474128

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