Laura Veirs... Voilà un nom que l'on a déjà rencontré par ici. Mon avis sur son album My Echo fut même un des premiers articles écrits pour ce blog. Moins de deux ans après, la revoici déjà avec un nouvel opus intitulé Found Light.
Si on avait pu craindre que ses récentes déceptions sentimentales aient pu avoir un impact négatif sur la carrière de la chanteuse, le titre seul – « trouver la lumière » – nous indique déjà que cet écueil bien réel a pourtant été surmonté. Un temps perturbée et proche du vide créatif, Laura Veirs a néanmoins repris le goût d'écrire, de composer et surtout d'enregistrer. Pour cette dernière opération, on ne s'attendait pas à revoir Tucker Martine aux manettes. Et en effet et bien au contraire, il s'agit cette fois d'une co-production, associant Laura Veirs elle-même et le multi instrumentiste new yorkais Shahzad Ismaily. Laura et Shahzad s'occupent de la plupart des instruments, mais on lira aussi des noms issus de la sphère « indé » anglophone, tels que Karl Blau (un collaborateur de longue date de la chanteuse), Indigo Street, Sam Amidon ou encore Kate Stables, et plus exotique : l'allemande Charlotte Greve (saxophone, clarinette, flûte). Voyons voir et écouter ce que ça donne...
Publié le 8 juillet 2022 chez Raven Marching Band Records (le label de l'artiste), ma version est un boîtier de type « jewel case » traditionnel qui contient un CD (à peine décoré de gros coups de pinceaux roses avec juste le titre) et un court livret de 8 pages avec les paroles et infos techniques et légales habituelles. A propos de ces dernières, on trouve aussi un petit texte désignant quelques sources d'inspiration, quels extraits des chansons empruntent à quels poèmes, etc... C'est inhabituel, mais intéressant, comme une petite fenêtre entrouverte sur le processus d'inspiration. La photo de la pochette montre Laura Veirs en noir et blanc assise dans une position plutôt frontale et assertive. C'est plutôt en accord avec la thématique du titre, celle de la reprise de contrôle de son existence après une épreuve difficile. Enfin, le disque comprend 14 chansons et dure 47 minutes ; on est plutôt dans la moyenne haute des disques de Laura Veirs, tant mieux.
J'avoue qu'en lançant la lecture, j'avais quelques appréhensions. Les deux premières plages rendues publiques – Winter Windows et Seaside Haiku – avaient un aspect un peu dur, une guitare saturée un peu hargneuse, un aspect brut (surtout Seaside Haiku) presque (presque !) punk dans la démarche. Au final, c'est un peu plus compliqué que ça. On reconnaît qu'il s'agit bien là d'un disque de Laura Veirs : sa voix, son style, son univers sont préservés. Ce qui émerge davantage toutefois, c'est un sentiment d'immédiateté, une sorte d'impression d'urgence. Est-ce dû à de nouvelles approches, plus organiques, plus impliquées, utilisées lors de l'enregistrement ? Quoi qu'il en soit le résultat est très prenant ; on reste accroché à cet album du début à la fin. En outre, bien que l'assemblage des chansons ne semble pas avoir de structure très claire (les titres se succèdent sans soucis particulier d'enchaînement significatif ou de volonté de progression), rien ne paraît pourtant hétéroclite, tout bénéficie d'une étrange et agréable homogénéité.
En ce qui concerne les paroles et les thèmes abordés, on devine bien, et l'on constate, que la poésie mélancolique de Laura Veirs a trouvé quantité de matière dans sa présente situation personnelle : la perte, la solitude, mais aussi la résilience et le désir d'aller de l'avant. Parfois même, on peut supposer quelques règlements de comptes discrets. Du moins, je ne pense pas qu'on écrive I pawned my wedding ring / At the Silver Lining / I felt sad / I also felt a weight go flying (Ring Song) sans arrière-pensée.
Comme il est d'usage ici, la musique est délicate et intelligemment fragile, peut-être encore plus que précédemment, en dépit de quelques pointes de tension. Le tempo est généralement posé et l'on se laisse immergé comme dans un demi-sommeil attentif. Ce n'est pas un album fait pour danser ou courir, construit autour d'un groupe puissant. Non, c'est bien plutôt un parcours intérieur et sentimental, guidé par la voix de Laura Veirs, accompagné par une fine architecture d'instruments feutrés et en nombre restreint.
Mes chansons préférées ? Je pourrais presque tout citer... Autumn Song et Ring Song introduisent très bien l'album, mais le titre Naked Hymn est ses légers accents orientaux / jazz font entrer le disque dans une autre dimension. En général, les chansons les plus longues, avec leurs traînantes et hypnotiques conclusions, retiennent davantage mon attention : Signal, Eucalyptus et Time Will Show You. Winter Windows est un étrange choix pour clôturer un album, mais il rappelle les meilleurs moments « rock » de la chanteuse (il y en a, il y en a).
Quant au son du disque, aucun reproche à faire ; c'est techniquement parfait et subtil. Il parvient à rester intimiste tout en étant aéré, mais aussi capable de passer du « clean » (les jolies cordes en nylon) au plus brut (saturation des guitares électriques) quand la chanson l'exige. Les guitares pleurent, les instruments à vents nous enveloppent, les voix respirent ; c'est une jolie réussite sonore. Les albums de Laura Veirs ont toujours été bien enregistré ; ici, on entend que cette qualité peut prendre une autre saveur tout en restant de haut niveau.
Voilà donc un disque qui constitue un compagnon idéal du précédent. My Echo semblait cacher un secret douloureux. Found Light nous en montre la résolution. Une face triste et un peu perdue, une autre plus zen, mais aussi avide d'en découdre. A l'issue de tout çà, l'oeuvre de Laura Veirs se poursuit, et nous, on sera au rendez-vous du prochain chapitre.
C'est tout pour aujourd'hui. Portez-vous bien et écoutez de la musique.
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