Creedence Clearwater Revival à Londres

 

Attention, Creedence Clearwater Revival, ou CCR pour faire plus court, c'est un groupe majeur de mon univers musical (et bientôt peut-être aussi du vôtre). Née en Californie dans les années cinquante, la formation réunissant John et Tom Fogerty, Stu Cook et Doug Clifford aura mis un peu de temps à atteindre le succès, mais quel succès ce fût ! Malgré un relatif déficit en termes d'image qui fait que peut-être aujourd'hui c'est un groupe qui a moins bien traversé les ans dans les mémoires que d'autres (les Doors, par exemple), malgré cela donc, CCR s'est révélé être une prodigieuse machine à tubes dans le monde du rock de la fin des années soixante. Pour ceux qui ont pris la peine de les écouter, Creedence, c'est de l'ambroisie sonore inoubliable, mais aussi une source de bonheur musical malheureusement trop tôt tarie. Considérez donc ceci : entre le moment où le succès arrive et le moment où le groupe se sépare, c'est cinq ans seulement. Sept albums certes, mais une aventure qui passe en un éclair. Et surtout un parcours qui se termine avec des rancoeurs de tous côtés, des blocages procéduriers qui impacteront un peu la gestion du catalogue. Dans les premières années qui suivent la fin du groupe, on ne trouve que deux live officiels. Le décevant Live in Europe publié en 1971 à un moment où ils n'étaient plus que trois et le bien meilleur The Concert, sorti lui en 1980 (mais enregistré en 1970). Et puis plus rien. A croire qu'en dehors de quelques compilations, personne n'était vraiment intéressé par l'exploration des archives... Et pourtant on semble découvrir dernièrement qu'il s'y trouve des choses tout à fait digne d'intérêt. En 2019, c'est l'enregistrement de leur participation au festival de Woodstock qui fut (trop discrètement) publié. Trois ans plus tard, c'est au tour d'un mythique concert capté le 14 avril 1970 au Royal Albert Hall de Londres d'être mis sous le feu des projecteurs. Et c'est ce qui nous occupe aujourd'hui dans ces pages.

Le disque est arrivé dans une pochette carton à deux volets de type gatefold – un contenant devenu un standard ces temps-ci (vous me lisez souvent le déplorer). La photo de la pochette représente en noir et blanc une partie de Royal Albert Hall la nuit, tandis qu'au verso, il y a une image un peu floue du public à l'intérieur. Une fois la pochette ouverte, se déploie un cliché du groupe sur scène. Entre les couches de carton, on trouve d'une part le livret de 8 pages avec les informations habituelles, quelques extraits de critiques (élogieuses) parues dans presse après le concert, de mauvaises photos, comme prises d'une image télévisée, et, plus amusant, une reproduction de l'affiche un peu kitch de l'époque (John Fogerty a l'air particulièrement pas heureux d'être là). D'autre part on a enfin le CD dont la décoration reprend plus ou moins le visuel des étiquettes de vinyle du label Fantasy à l'époque. Car Fantasy, c'est le nom de la maison de disque historique de Creedence. Aujourd'hui, les droits sur la musique du groupe appartiennent à Concord et c'est d'ailleurs une de leur marque, Craft, qui publie notre CD. C'est à peu près la même situation que pour le live à Woodstock paru il y a trois ans. A noter, avant que j'oublie, qu'un documentaire – Travelin' Band – accompagne cette sortie, mais je ne l'ai pas vu. Le concert ayant été filmé, on y retrouvera des images du groupe sur scène (ils auraient pu inclure le DVD du film avec le CD...)

Normalement, l'intégralité du concert est gravée, mais il n'empêche que cela constitue tout de même un show plutôt court avec un peu plus de 42 minutes. Pour comparer, c'est un peu moins que The Concert, mais presque un quart d'heure de moins que Live at Woodstock. Il y a douze plages, composant une setlist assez peu différente de celle de The Concert, ce qui n'est pas très étonnant vu que les deux enregistrements ne sont séparés que de trois mois. C'est aussi une setlist qui emprunte essentiellement à leur trois précédents albums : Bayou Country, Green River et Willy and the Poor Boys (sorti en novembre 1969). Quant à l'album Cosmo's Factory, prévu pour juillet 1970, il est représenté par une chanson, Travelin' Band, déjà connue du public puisque publiée en single en janvier de la même année.

Les amateurs de CCR se sentiront tout de suite en terrain familier. La bande de Fogerty déverse son rock moite et puissant sans faiblir, comme s'ils voulaient refaire la « British Invasion » à l'envers. Les chansons choisies sont toutes des classiques de leur répertoire ; il n'y a aucun temps mort. En ce qui concerne l'interprétation, c'est énergique et concentré ; on sent les musiciens très en forme et décidés à frapper fort. C'est un groupe de scène bien rôdé et chacun est à son poste, participant avec efficacité à l'alchimie générale. La voix et la guitare de John Fogerty, immanquables éléments de la signature sonore de CCR, éclatent dans les enceintes et globalement, le mixage est assez équilibré (la batterie de Doug Clifford ressort bien) ; c'est fort, mais c'est lisible. S'il fallait résumer, je dirais que tout est sensiblement un peu plus explosif que sur The Concert ; c'est clairement un live qui file à toute allure et que je trouve véritablement jouissif. Il est peut-être juste trop court.

D'un point de vue plus technique, il y a tout de même un petit bémol. Enfin, c'est un peu à chacun de voir (ou d'entendre). J'ignore dans quel état étaient les bandes originales après cinquante ans (je suppose que les meilleures techniques de restauration ont toujours quelques limites) ou peut-être bien que ça vient de la manière d'enregistrer du live à Londres en 1970 et que c'était problématique dès le départ, mais la qualité sonore est tout de même perfectible. En effet, il y a une petite saturation permanente que l'on ne peut que remarquer. Est-ce que CCR jouait trop fort pour les micros anglais ? Heureusement, la qualité de la musique permet de passer outre, et il y a des plages où ça s'entend moins que d'autres, mais il n'empêche que même avec la meilleur volonté du monde, on ne peut pas considérer ce disque comme particulièrement « audiophile ». Bon, on va dire que ça lui donne un petit côté « bootleg » crasseux sympathique (et ce n'est pas incompatible avec la démarche d'un groupe marécageux comme Creedence en fait – on n'est pas chez Pink Floyd).

Enfin voilà, un chouette disque, quoiqu'il en soit, une addition bienvenue à ma collection et toujours une bonne occasion de remettre Creedence Clearwater Revival dans l'actualité. On reparlera d'eux dans ce blog un jour. D'abord parce qu 'il n'est jamais inutile d'en parler. Ensuite parce que j'ai à peu près tous leurs disques, donc je retomberai forcément dessus, même par hasard. Enfin, sait-on jamais, la maison de disque va peut-être nous retrouver encore un enregistrement aussi sympa que celui-ci dans ses archives (si possible de la période post-Cosmo) et nous en faire profiter dans un futur pas trop lointain. Je serai en tout cas au rendez-vous.

C'est tout pour aujourd'hui. Portez-vous bien et écoutez de la musique.

Le documentaire : https://www.imdb.com/title/tt21053478/

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