La musique de l'autre "Australia"

 

Dites les gens, ça fait un bon moment que l'on n'a pas écouté une cassette, non ?

Je vous ai déjà parlé du tas de cassettes de mon père ? Je suis sûr que si... Souvenez-vous, il s'agissait de ceci :

Je tends la main et je pioche celle-ci aujourd'hui : la musique du film Australia. Aujourd'hui, en 2023, je suppose que je dois introduire ici un petit avertissement : il ne s'agit pas du film de Baz Luhrmann avec Nicole Kidman et Hugh Jackman, sorti sur les écrans vers 2008, par là... Non, non, il s'agit en fait d'un film un peu plus ancien et certainement beaucoup moins connu, réalisé en 1989 par le belge Jean-Jacques Andrien. Oui, je dis « moins connu », mais j'aurais pu même dire « quasiment inconnu » parce qu'on ne trouve vraiment que très peu d'information dessus sur internet, en dehors de quelques lignes sur wikipedia. Pourtant, c'était un beau casting pour un film belge : Jeremy Irons, Fanny Ardant, Tchéky Karyo, Agnès Soral... pas vraiment des artistes obscures, si pas à l'époque, du moins ensuite. Bref, ce film, on ne le cite nulle part, on dirait que tout le monde s'en cogne. Moi-même, j'avoue que je ne l'ai pas vu, et comme il est en outre à peu près introuvable, j'en serais bien incapable à présent. Une personne qui l'a vu toutefois, ce fut mon père, et il est sorti du cinéma manifestement séduit, non pas tant par le film lui-même que par sa musique. Il n'a pas tardé ensuite à s'en procurer une copie, sur cassette manifestement, et s'il m'en avait fait profiter à l'époque, je n'en ai que peu de souvenir ; du moins rien de plus substantiel qu'un poli « ah oui, hein », l'insouciance de la jeunesse...

Que nous raconte-t-elle maintenant cette cassette ? C'est un objet bien simple à première vue : un boîtier on ne peut plus classique (devant transparent, arrière noir opaque), l'affiche du film en guise d'illustration, les titres des morceaux sobrement notés sur le rabat vers l'extérieur et à l'intérieur, accompagnés des quelques informations légales d'usage. On apprend au moins le nom du compositeur : Nicola Piovani. C'est lui aussi qui « dirige », dit-on, mais on ne saura pas le nom de la formation ou de l'orchestre. C'est publié chez « Franc'Amour », un label plutôt spécialisé dans la chanson d'expression française en Belgique, donc un peu à contre-emploi pour une musique de film, mais soit... On fait comme on peut. La cassette elle-même, blanche à une époque, visiblement jaunie aujourd'hui, porte des indications imprimées en bleu. Je ne vois pas de précision sur le type de bande utilisée, mais un contrôle visuel révèle une couleur chocolat qui trahit très certainement une bande de type I.

Nicola Piovani, compositeur né en 1946, n'est pas un inconnu dans le monde de la musique de film, surtout au service du cinéma italien. Depuis les années 70, il a ainsi signé la bande sonore de très nombreux films, parmi lesquels plusieurs réalisés par Nanni Moretti, Roberto Benigni, Federico Fellini, les frères Taviani, etc...pour ne citer que les plus connus. Âgé de 76 ans, il est toujours actif. Bref, avec un tel professionnel, le contenu de notre cassette devrait montrer au minimum un niveau décent de compétence. Lançons donc tout ça...

Si je devais essayer d'emballer toute cette musique, je dirais... « raisonnablement romanesque » ? Cela semble d'ailleurs correspondre à ce que je crois avoir compris de l'intrigue du film, une vague histoire de triangle amoureux sur fond de crise de l'industrie de la laine dans la région de Verviers (ou quelque chose dans ce goût-là). Il y a un planeur aussi quelque part. Certes, la région de Verviers, ça n'invite pas à l'envolée épique ou aux délires de la science-fiction ou autres aventures exotiques, c'est sûr, mais ça aurait pu être un polar, avec des ambiances inquiétantes. Non, là c'est juste gentiment habillé avec de calmes mélodies plutôt agréables, mais inoffensives. Ce serait même par endroit à la limite du lénifiant si les morceaux n'étaient pas si courts. C'est en effet (ou heureusement) une cassette plutôt brève : trente-deux minutes.

Mais, il y a un mais ! La partition prend plaisir par moment à se lâcher dans quelques ostinatos bien entêtants ; c'est là que la musique du film développe sa plus intéressante personnalité, qu'elle se révèle plus intrigante, plus dramatique et reste davantage en mémoire. Ouf. L'autre aspect plus séduisant, c'est quand Piovani se souvient que ça se passe en 1955 et compose quelques morceaux qui font « époque », des passages probablement diégétiques : un boogie-woogie, un peu de jazz, une romance au violon un peu désuète,... sans révolutionner quoi que ce soit, ce sont néanmoins des éléments fort charmants, qui finalement ne font pas regretter l'écoute de cette cassette.

La prise de son m'a paru plutôt bonne, je dois-dire, c'est clair, sans trop de souffle. L'orchestre semble aussi assez réduit ; on n'a jamais l'impression d'avoir le philharmonique de Berlin, dans toute son étendue et sa profondeur, entre les oreilles. Question de budget ou volonté de sonner modeste ? Quoi qu'il en soit, sans que ce soit un gros défaut d'ailleurs, ce n'est donc pas non plus un paysage sonore très ample : c'est une musique un peu proche, un peu « concentrée », si je puis dire, mais j'ai envie d'être indulgent. En outre la cassette a conservé quelques une de ses qualités malgré les années. Rien de transcendant – ça reste une simple cassette – mais c'est juste tout à fait présentable et c'est très bien comme ça.

Voilà. Une musique satisfaisante, plutôt simple, mais honnête, une présentation sobre, une bande magnétique pas trop mal conservée, tout cela constitue les éléments principaux de cet artefact un peu anecdotique, un peu rare aussi, de ma bibliothèque musicale. Et puis c'est un souvenir de famille, même si je ne l'écouterai sans doute pas souvent, je ne vais tout de même pas le jeter à la poubelle. Je me demande si à Verviers, on se souvient de ce film et de sa musique...

C'est tout pour aujourd'hui. Portez-vous bien et écoutez de la musique.

Pour les plus curieux (à propos du film), une page dédiée sur le site d'une des maisons de production :

http://www.lesfilmsdeladreve.be/spip.php?article21

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