Nom d'une biscotte, encore ! Il me semble que c'était hier ou pas beaucoup plus loin que l'on parlait en ces lieux de la chanteuse PJ Harvey et de son insolite talent... Mais où passe donc le temps ? C'est fou, il n'y a plus de saison !
Le précédent opus de la chanteuse datait de 2016. Oui, ça commençait à faire un petit moment, en effet. De ce que je sais, pendant toutes ces années, l'artiste s'était surtout préoccupée de composer quelques morceaux à destination du théâtre ou de la télévision, de mettre sur disque les archives de ses précédents enregistrements (on en a parlé en ces lieux) et enfin, de l'écriture et de la publication de son recueil de poèmes intitulé Orlam. Je n'ai pas lu ce livre, mais je crois avoir à peu près compris deux choses à son sujet (vous me direz bien si je me trompe). D'abord cette histoire tournant autour d'une jeune fille du Dorset découvrant la vie est partiellement autobiographique, PJ Harvey ayant pareillement passé ses tendres années dans la même région. Ensuite, l'inspiration poétique a largement débordé le projet initial, trouvant aussi à s'exprimer en musique sous la forme de l'album I Inside the Old Year Dying que nous tenons entre les mains.
C'est encore un contenant en carton auquel nous avons à faire, mais un petit peu plus fourni que certains autres : trois volets et un livret, c'est presque du luxe. C'est une pochette à l'esthétique très dépouillée, blanche et sobre. En couverture : juste une sorte de branche (avec son ombre), et un faux autocollant rouge avec le titre de l'album rapidement griffonné à la main. Un observateur attentif aura aussi remarqué la présence de discrets détails figurés en trompe-l'œil : des traits plus lumineux qui donnent l'impression que la branche est posée sur un film plastique, le nom de l'artiste « PJ HARVEY » qui semble être en relief, comme embossé dans le carton. Derrière, une photo noir et blanc de la chanteuse en robe claire et les titres des chansons. Si on déplie le bidule, on découvre d'autres photos tout aussi dénuées de couleurs, des image prises en studio pendant l'enregistrement, ainsi que les détails techniques, crédits divers, remerciements d'usage... Même blancheur sobre sur la décoration du CD, mais avec une branche cette fois esquissée en dessin. Même blancheur sobre pour le livret qui comprend les paroles des chansons et quelques timides croquis. Enfin, l'album est composé de douze morceaux, dure environ quarante minutes et est publié chez Partisan Records, un nouveau label pour PJ Harvey.
Dès la mise à disposition des premiers extraits, un rapprochement avec l'ambiance de l'album White Chalk (2007) a tout de suite été fait. Et c'est une comparaison qui se tient en grande partie : le son est résolument plus proche de la retenue acoustique de cet opus que de la rage punk des premiers disques de PJ Harvey, tandis que l'ambiance est plus personnelle, plus intimiste, que dans les pamphlets politiques et les revendications de Let's England Shake (2011) ou The Hope Six Demolition Project (2016). Toutefois les arrangements m'apparaissent ici plus électriques, moins organiques que dans White Chalk, avec un univers acoustique plus dur aussi, plus inquiétant et entêtant. Mais c'est bien la voix de PJ Harvey, interprétant ses textes avec intensité, de façon habitée pourrait-on dire, que l'on retrouve à chaque plage, et qui relie le disque au reste du répertoire.
Du peu que je comprends de ces textes légèrement hermétiques (et doucement torturés), c'est un album relativement personnel qui a dû réclamer une implication particulière (et un certain intérêt pour Elvis Presley aussi). Le résultat est quoi qu'il en soit réussi et captivant. L'instrumentation, accompagnant, enveloppant les paroles, ou posant ses sons froids et pesants, participe de la même ambiance insolite et hypnotique. Pour une démarche tournant autour d'une jeune fille vivant à la campagne, on aurait pu s'attendre à une atmosphère plus folk, plus rurale, et il y a un peu de ça tout de même, oui, mais ce n'est pas sur cette base qu'est construit l'album. Les morceaux se succèdent avec beaucoup de naturel, sont globalement à la mesure les uns des autres, forment un tout cohérent qu'il est étrange de ne pas vouloir absorber d'une traite. Si j'ai donc bien du mal à isoler des préférences, peut-être peut-on citer Lwonesome Tonight, A Child's Question August et I Inside The Old I Dying comme un peu plus fascinantes que les autres, mais le tout est en fait très homogène.
Le disque est produit par John Parish et Flood, deux vieux compagnons de route de PJ Harvey. En outre, à trois ils s'occupent de presque tous les instruments mobilisés pendant les sessions d'enregistrement lors desquelles seuls quelques rares invités sont venus les rejoindre (comme les acteurs Ben Whishaw et Colin Morgan pour quelques voix additionnelles par exemple). Le son du disque est impeccable, aussi prenant au casque que dans les hauts-parleurs. Paradoxalement, il y a un côté presque lo-fi dans certaines approches sonores (des jeux sur les saturations par exemple), mais tout sonne tout de même de manière très pure, un peu à l'image du dépouillement de la pochette. C'est un très beau disque, par ailleurs exempt des désagréables compressions dynamiques contemporaines. Les murmures de PJ Harvey, comme ses moments vocalement plus poussés sont très bien rendus. À l'écoute donc, rien à redire.
Je ne sais pas trop ce que raconte I Inside the Old Year Dying. Je ne suis même pas sûr de bien comprendre le titre, mais c'est indéniablement un disque important, personnel et émotionnellement intense. Je pensais PJ Harvey embarquée vers les rivages lointains de la littérature et peu disposée à revenir de sitôt à la musique, je suis donc content de m'être trompé et de pouvoir écouter ce disque, étrange et délicat objet sonore un peu inattendu.
C'est tout pour aujourd'hui. Portez-vous bien et écoutez de la musique.
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