Parmi les disques de 2023, celui-ci est un peu particulier en ceci qu'il est sorti lors de l'opération spéciale « Record Store Day » du mois d'avril. Initialement prévu pour ramener les gens chez les disquaires indépendants en les attirant avec des exclusivités, le « Record Store Day » est surtout devenu une source de frustration dès lors que vous n'avez pas de disquaire indépendant près de chez vous. Après, parfois, il arrive que des disques publiés lors de ces opérations finissent par trouver le chemin de la discographie standard des artistes en question et deviennent alors beaucoup plus faciles à trouver (et à acheter). Par exemple, je pense avoir déjà touché un mot du MTV Unplugged de Pearl Jam, issu d'abord confidentiellement (oui, c'est comme cela que je qualifie les sorties du « Record Store Day ») en 2019, puis plus décemment en 2020.
Et puisque l'on parle de Pearl Jam, c'est à nouveau d'un disque de ce groupe qu'il est question. Alors que je m'attendais à devoir patienter un an (voire davantage) avant de pouvoir mettre la main dessus, je l'ai finalement trouvé tout récemment chez un revendeur et j'ai pu me le procurer à un tarif décent. Oui, c'est un autre défaut du « Record Store Day » : qui dit « exclusivité », dit « rareté » et par conséquent « spéculation et inflation » sur le marché secondaire.
Give Way, puisque c'est son titre, est un album live enregistré le 5 mars 1998 lors d'un concert à Melbourne. L'album Yield, le cinquième opus du groupe, étant sorti environ un mois plus tôt, on est vraiment au début de la tournée. Give Way a connu une petite aventure éditoriale assez amusante. Il devait au départ accompagner la sortie de la vidéo du documentaire Single Video Theory, une sorte de bonus gratuit à l'achat de la VHS ou du DVD dans les magasins de la chaîne Best Buy. Pour de simples et un peu ridicules raisons administratives, ça ne s'est finalement pas fait : le documentaire est sorti tout seul et toutes les copies de l'album live ont été détruites – bonjour le gaspillage, et tout ça pour une signature manquante... Je suppose que les quelques exemplaires survivants en circulation doivent constituer une pièce de choix pour toute collection Pearl Jam. Le concert lui-même, diffusé en direct à la radio, a fait l'objet de nombreux « bootlegs » ; son contenu est donc tout à fait identifié. Enfin, aujourd'hui (ou presque), à peu près vingt-cinq ans plus tard, le revoici, pour notre plus grand bonheur à tous. C'est un très basique fourreau cartonnés à deux volets, très similaire à celui du MTV Unplugged de 2020. A l'extérieur, il reprend globalement l'esthétique sobre de l'album Yield, à base d'horizon dépouillé et de panneau de signalisation. A l'intérieur, c'est plus coloré avec des repliques d'affiches de concert, de badges d'accès, de tickets,... Peu de lecture ici : on ne trouvera que peu d'information au-delà des titres des chansons. Même la date de l'enregistrement elle-même n'apparaît pas, si ce n'est sur l'autocollant de l'emballage, comme pour réparer un oubli. Il y a dix-sept morceaux (une sélection donc parmi les vingt-six joués ce soir-là) pour une durée d'un peu plus de septante-quatre minutes, et c'est publié chez Epic / Sony Legacy.
Pearl Jam en live a souvent constitué un moment fort et réussi. Le groupe est efficace, motivé et peut quasiment piocher à l'aveugle dans son répertoire et toujours parvenir à composer une setlist de qualité. Comment s'en sort-il ici ? Il est vrai que Vedder n'est peut-être pas à son plus haut niveau vocalement, mais ces musiciens restent au minimum dans une forme globalement solide et livrent une prestation tout à fait appréciable. J'aime particulièrement les versions de Corduroy, Even Flow, Do the Evolution. On a aussi droit à la présence de I Got Id, un titre plutôt rare, issu des sessions avec Neil Young quelques années auparavant. C'est aussi, paraît-il, la seule apparition officielle en live du batteur Jack Irons qui quittera la groupe pendant la tournée, entre l'Australie et les USA (et sera remplacé au pied levé par Matt Cameron qui officie toujours avec le groupe aujourd'hui).
Le son est globalement bon, mais ça reste un peu abrupt, un peu direct, un peu rêche, certainement parce que l'on n'a que peu (ou pas) retouché l'enregistrement ; c'est un bootleg officiel en quelque sorte (avant que Pearl Jam n'en fasse une habitude à partir des années 2000). C'est une démarche qui a des qualités (la spontanéité) et des défauts (un larsen par ici, une balance un peu déséquilibrée par là, la voix très rauque de Vedder pendant deux ou trois passages et gardée telle quelle,...). Enfin, quand je dis « défauts », c'est une façon de parler : il n'y a rien de rédhibitoire et la qualité du concert dans son ensemble fait vite oublier tout ça. Comme toujours avec ce groupe, je suis très vite déconnecté de ces basses préoccupations, emporté tranquillement par le plaisir grisant de l'expérience musicale.
La comparaison va immanquablement être faite avec Live on Two Legs, l'album qui commémorait officiellement la partie nord-américaine de la même tournée sorti à la fin de l'année 1998. Give Way sonne plus brut de décoffrage, moins propre sur lui, avec un public plus présent, tandis que Live on Two Legs est un peu plus « produit » (bon ça reste du Pearl Jam tout de même ; on n'est pas là pour faire de la broderie). Ensuite, parce qu'il vient d'un seul et même concert, Give Way est aussi un peu plus cohérent peut-être. Enfin et surtout, il faut aussi reconnaitre que les tracklists des deux disques ne partagent finalement que cinq titres ; et que par là ils se complètent plus qu'ils ne s'opposent. Tant mieux.
Bref, j'ai essayé d'être court, mais pour résumer encore plus : malgré une discographie live déjà loin d'être indigente, c'est tout de même un très sympathique ajout dans l'oeuvre de ce groupe ô combien estimé par l'auteur de ces lignes. Pearl Jam sur scène, quelque soit l'époque ou la configuration, ne m'a jamais déçu, et ce n'est pas avec cette archive que ça va commencer.
C'est tout pour aujourd'hui. Portez-vous bien et écoutez de la musique.
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