Attendez,... Il me semble pourtant que c'était hier que l'on parlait de ces braves gens dans ces pages. Et il y a déjà du nouveau ? Diantre, ils ne perdent pas de temps. Alors voilà, début février sortait un nouvel album de Kula Shaker intitulé Natural Magick. Je vais me permettre d'essayer d'être bref, vous connaissez un peu le groupe maintenant. La communication autour de ce nouvel opus met l'accent sur le retour de Jay Darlington aux claviers, c'est-à-dire que le line up originel de Kula Shaker est reconstitué. OK... alors moi je veux bien, je suis content pour eux, mais quand je regarde les chiffres, je vois que – avant ce disque-ci – Darlington était apparu sur les deux premiers albums du groupe, mais que son successeur, Harry Broadbent, apparaît lui sur les quatre albums qui ont suivi. Si on se range à cette approche quantitative plutôt que chronologique, c'est qui en fin de compte, le « vrai » claviériste de Kula Shaker ? Enfin, bref, on va pas se fâcher pour si peu. Voyons plutôt à quoi ça ressemble tout ça.
D'abord le contenant : il s'agit d'un (très prévisible) étui en carton à trois volets, le disque d'un côté, le livret de l'autre. Le moins que l'on puisse dire, c'est que tout est très coloré. C'est une habitude pour ce groupe de souvent choisir des visuels très chargés, avec des thèmes, des motifs mêlant orient et occident. Et dans ce cas-ci, on est parti pour un trip à dos d'éléphant rose et projections psychédéliques. Amateurs de minimalisme dépressif, passez votre chemin. Toute la littérature annexe comprend paroles des chansons, infos techniques, photo du groupe. Il y a treize plages pour une durée totale de quarante-sept minutes et comme pour toutes leurs dernières réalisations, c'est publié par le propre label du groupe, Strangefolk (mais il y a aussi tout un tas d'autres noms qui apparaissent sur l'emballage - absolute, townsendmusic, hoodoo music, interstellar music -, toute une galaxie de labels en charge de distribution, promotion ou de que sais-je d'autre). Je me plains souvent du packaging réduit des éditions CD actuelles, mais ici, il faut bien admettre que d'après ces standards on est tout de même légèrement au-dessus de la moyenne.
Ensuite le contenu. En surface, on reconnaîtra la « patte », l'aire de compétence du groupe, leur univers privilégié : du rock nostalgique anglais, de grosses influences sixties et seventies, un parfum de patchouli indien, une solide base instrumentale très orientée guitare. On aura donc notre dose de gros riffs et de tablas et c'est – vous le savez – une raison de se réjouir (sinon, on n'écouterait pas du Kula Shaker déjà). Cela posé, je trouve que dans cet opus Crispian Mills est assez peu présent pour des solos. De manière générale aussi l'ensemble donne une impression un peu diffuse de relatif manque d'ambition (faute d'un meilleur terme). Tout le monde s'applique, c'est une collection de chansons bien fichues, mais il manque quelque part un point d'orgue, l'un ou l'autre de ces morceaux qui font trembler les murs ou qui plus simplement touchent le mélomane un peu plus loin que d'habitude. C'est un sentiment difficile à décrire, une légère absence de revenez-y, des titres qui finissent trop vite alors que l'on aurait voulu un petit quelque chose de plus. Et pourtant, prise une à une, les chansons sont très bien, mais on dirait qu'il manque un chapitre.
Quoi qu'il en soit, loin de mes préoccupations de triste sire, on a donc largement de quoi s'amuser ici. La première brochette de chansons offrent une entrée à matière plus que plaisante : les plus musclés Gaslighting et Natural Magick alternent avec l'ensoleillé Waves ou le sautillant Indian Record Player. On se dit que ça part bien. Puis apparaît Chura Liya (You Stole My Heart). C'est un morceau plus pop, pas indigne, mais surtout remarquable pour deux raisons. D'abord il s'agit d'une reprise (l'original est tiré d'un film indien de 1973, Yaadon Ki Baarat), pas une démarche inédite chez Kula Shaker, mais pas du tout une de leurs habitudes. Ensuite, Crispian Mills y partage le chant (avec une certaine Laboni Barua), ce qui est également peu commun. On retrouvera ce duo un peu plus loin dans le titre Happy Birthday. Là où ça coince un peu, c'est que cette chanson est un peu molle, elle vient un peu briser l'élan de démarrage de l'album et fait un peu dérailler l'attention.
De belles choses arrivent encore et sur des registres variés : folk (Something Dangerous), ballade (Stay with Me Tonight), pamphlet (Idon'twannapaymytaxes, F-Bombs), mais l'aventure perd du souffle inéluctablement sans qu'un morceau très fort ne puisse renverser la tendance. Je suppose que Whistle and I Will Come ou encore Give Me Tomorrow auraient pu être les points culminants de cet éventuel rebond, mais ils manquent de tonus et de grandeur pour totalement réussir. Du moins on trouve chez Kula Shaker des exemples mieux inspirés. Et tout cela est bien dommage, parce que pris isolément, rien ne démérite vraiment : jeu de guitare appliqué, entrain communicatif et répliques claquantes ne sont pas absents, mais le séquençage d'une part n'est pas optimal, tandis que l'impression d'être trop souvent en terrain (trop) connu d'autre part n'aide pas l'album à convaincre à cent pour cent.
Maintenant, c'est probablement à chacun de voir où placer le curseur. C'est un bon album. Les chansons sont bonnes. Remis en perspective, ce n'est pas à mes yeux le meilleur de Kula Shaker.
L'album a été enregistré en Angleterre (pas comme le précédent) et produit par les membres du groupe Crispian Mills et Alonza Bevan (comme le précédent), avec aussi l'aide d'un certain Kev Nixon (que je ne connaissais pas auparavant ). On trouve aussi une tripotée de musiciens invités, qui aux choeurs, qui aux violons, qui encore aux tablas ou au sitar, bien trop nombreux pour les citer tous, mais sachez donc qu'ils sont là, qu'il y a du monde sur cet album.
Le rendu sonore quant à
lui ne se différencie pas fondamentalement de celui des albums
précédents. C'est donc propre, professionnel, suffisamment
chaleureux, adapté à ce style rock un peu passéiste et teinté d'exotisme. Et bien sûr, parce que c'est l'époque qui veut ça
probablement, il y a de la compression dynamique, pas à un niveau
pathologique non, mais juste ce qu'il faut pour qu'une oreille
entraînée le remarque. Triste...
Est-ce qu'on a été trop gâté ? Je trouve la discographie de Kula Shaker généralement d'un assez bon niveau. Ils sortent de solides albums et explorent leur univers avec un sérieux enthousiasme et beaucoup de respect pour les oreilles de leurs fans. Cela étant... est-ce que celui-ci n'est pas arrivé un peu trop vite après le précédent, diminuant ses qualités intrinsèques en les diluant dans le nombre, empêchant de l'apprécier à sa juste valeur ? C'est un disque plus que décent, mais aujourd'hui, j'ai parfois du mal à le considérer comme particulièrement renversant, du mal à ne pas me dire que c'est juste un album de plus. Qui sait ? Dans quelques années, je le réévaluerai peut-être, hors-contexte, pour lui-même.
C'est tout pour aujourd'hui. Portez-vous bien et écoutez de la musique.
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