On a déjà mentionné une ou deux fois Tom Petty dans ces pages, et on a dû normalement mentionné au moins une fois le nom de Mike Campbell. Ce guitariste originaire de Floride est un collaborateur de longue date de Tom Petty : ensemble au moins depuis Mudcrutch, membre à part entière des Heartbreakers et participant je crois à toutes les initiatives solo de Petty. C'est aussi devenu au fil du temps un musicien (de studio ou sur scène) avec un CV long comme le bras (Stevie Nicks, Don Henley, Bob Dylan, Roy Orbison, Neil Diamond,...) Suite au trépas inopinée de Tom Petty en 2017, on se demandait ce qu'il pourrait devenir. Et bien on n'a pas attendu si longtemps que ça. Campbell est en effet impliqué dans un petit projet musical à lui, en marge de ses activités avec les Heartbreakers, un groupe appelé The Dirty Knobs qui, s'il existe à peu près depuis 2010, a commencé sa réelle existence discographique en 2020. Nous sommes à présent en juin 2024 (à quelques mois près) et voici qu'arrive le troisième album de la formation : Vagabonds, Virgins & Misfits.
Carton ! Comme il se doit de nos jours, depuis que l'humanité dans sa grande sagesse a décidé de diminuer sa dépendance aux dérivés du pétrole par une consommation accrue de pulpe de cellulose. En coupant des arbres donc. La pochette se déplie en deux volets, un pour le CD (qui n'est pas encore en carton, lui) et un pour le livret. On remarquera que l'ensemble respecte les proportions carrées du LP au détriment de celle du jewel case. Le disque est jaune, mais le reste fera abondamment usage du noir et blanc : photos prises durant l'enregistrement, textes des paroles ou autres. La photo principale nous montre Mike Campbell assis par terre, ajustant ses lunettes, un drôle d'instrument sur les genoux (un genre de guitare hawaïenne, type « Weissenborn »). Le sol est constitué d'un motif géométrique en trompe-l'oeil un peu flippant (il irait très bien dans les couloirs de l'hôtel Overlook). Il y a onze plages pour quarante-trois minutes et c'est publié chez BMG. Bon, en vrai, on devrait plutôt dire dix plages, la onzième étant une petite conclusion de quarante-quatre secondes.
Je ne vais pas donner des détails sur chaque chanson, du moins je vais essayer... Pour esquisser une idée générale, je trouve que si la musique des Heartbreakers était un heureux creuset d'influences diverses (on pense à Bob Dylan, on pense aux Byrds, on pense aux Beatles), alors dans cette alchimie Mike Campbell devait être le représentant d'une composante plus blues rock, teintée de John Lee Hooker et de Led Zeppelin. Sur les deux premiers albums des Dirty Knobs, c'est en effet sensiblement plus lourd et plus moite que ce à quoi on était habitué avec Tom Petty. Et on retrouve grosso modo cette recette ici, avec la guitare de Mike Campbell omniprésente, illuminant tout l'album, inondant de note incendiaires la plupart des morceaux qui prennent la couleur d'un bar douteux au sol rendu collant par l'alcool. Ceci étant dit, c'est une ambiance qui tend à s'assagir avec ce troisième opus, à devenir, à sa façon, plus accessible, plus sage, particulièrement dans la première moitié du disque. Attention, cela reste bel et bien du rock (et du bon), mais avec un petit quelque chose de plus travaillé, mieux produit peut-être. Bref, sans devenir pour autant « pop », les Dirty Knobs sonnent un peu moins « dirty ». Je note aussi qu'en dépit de l'instrument figurant sur la pochette, on entendra finalement ici assez peu de guitare sèche ou d'environnement uniquement acoustique. Hell or High Water doit probablement aussi être la seule vraie ballade sur un disque qui cherche plutôt à faire rugir les enceintes et où les plages se succèdent à une allure très électrique.
Quelque moments forts tout de même ? La chouette intro The Greatest et son ambiance concert malgré des paroles un peu simplistes ? Le final puissant de Hands are Tied ? Le mélange des voix dans Hell or High Water ? La brutalité de So Alive ? Les pulsations décadentes de Shake This Blues ? Les accords de guitare très « Tom Petty » dans Innocent Man ? Les moments de plaisir qui nous font repasser une plage sitôt entendue sont nombreux.
On relèvera que c'est un album plus social que les deux précédents. Aux côtés de Campbell (voix et guitares), Chris Holt (guitares), Lance Morrison (basse) et Matt Laug (batterie), on trouve plusieurs invités : Lucinda Williams et Graham Nash viennent donner de la voix, Steve Ferrone et Benmont Tench, deux anciens Heartbreakers, viennent jouer sur deux titres, et j'en passe ; bref, il y a du monde.
C'est Mike Campbell qui a écrit à peu près toutes les chansons et co-produit le disque avec George Drakoulias et Martin Pradler. Le nom de Drakoulias rappellera peut-être quelque chose à certains ? Il était co-producteur de l'album The Last DJ de Tom Petty (2002) et était déjà collaborateur de Campbell sur les deux premiers albums des Dirty Knobs. L'enregistrement a eu lieu en Californie. Je ne dirai pas que ça s'entend, mais je ne suis pas surpris. Quant au son, globalement ça va : si c'est chaud et gras, un peu braillard et fort aussi, il y a cependant un peu de compression (toujours) inutile, mais sans que ce soit trop handicapant (on a clairement entendu pire, mais un son un poil moins fatigant aurait été apprécié). Quoi qu'il en soit, on est en terrain sonore familier : classique rock, incartade blues ou country, « americana » confortable comme une bonne paire de pantoufles et une bière fraîche. La voix de canard de Campbell rappelle celle de Tom Petty, sans que ce ne soit non plus tout à fait la même chose. On est bien, on est entre amis.
C'est tout pour aujourd'hui. Portez-vous bien et écoutez de la musique.
Commentaires
Enregistrer un commentaire