L'air de rien, ce bon Ben Harper arrive tout doucement à ses trente ans de carrière. Y pensait-il au moment de publier son nouvel album ? Je ne suis pas trop certain, mais peut-être un peu. En effet ce disque est dédié à la mémoire du bassiste Juan D. Nelson, collaborateur de longue date de l'artiste, récemment disparu. D'autre part la pochette montre une image un peu empreinte de nostalgie, évoquant des souvenirs de l'enfance, une sorte de réflexion un peu vague sur d'où venons-nous et qui sommes-nous devenus. Et puis, quand commence une carrière exactement pour un musicien qui vit dans la musique et tripote des instruments depuis l'âge le plus tendre ?
Bref, il y a un nouvel album de Ben Harper. Ne me demandez pas son numéro, j'ai un peu perdu le fil de sa production entre ses œuvres en groupe, en solo, ou encore en collaboration. Bon, au pif, ça doit bien faire le 16 ème ou le 17ème album ; vous devinez donc que ce furent trente années très occupées...
Pour ma part, je suis arrivé assez tard dans l'univers de la musique de Ben Harper, mais une fois pris, je pense avoir écouté et largement apprécié la plus grande partie de ce qu'il a fait. Je suis devenu assez friand de cette talentueuse synthèse de rock, blues, folk, soul, funk, reggae, gospel... Oui, il touche à tout et généralement avec beaucoup d'à propos. Et c'est un guitariste virtuose aussi, et ça, ça me plaît toujours. Et c'est un activiste aussi avec des textes en forme de commentaires politiques ou sociaux intéressants, un regard sur l'état du monde. Alors, que nous dit cette nouvelle livraison ?
Sortie le 22 juillet, la version CD est un étui en carton à deux volets tout simple comme on en voit malheureusement de plus en plus. Je m'interroge sur la durabilité de ce type d'emballage dans le temps et surtout sur sa capacité à protéger le disque. Le « jewel case » d'antan avait certes plein de défauts, mais il préservait son contenu des contacts et des frottements. Enfin, ainsi va le progrès, je suppose. C'est un album plutôt court aussi : 11 chansons certes, mais 33 minutes... Aucun livret n'est présent, tout est écrit directement sur l'étui : paroles des chansons, crédits divers,... C'est publié chez Chrysalis (pas son label habituel, soit dit en passant). La photo de la pochette (que l'on retrouve sur le CD aussi) est un peu étrange, comme une photo de famille volée. Au verso, on retrouve un Ben Harper adulte avec un vilain bonnet, mais un beau gilet.
Cela fait quelques temps à présent que les disques de Ben Harper ne descendent jamais en dessous d'un certain niveau de savoir-faire et de qualité. Le bonhomme est un professionnel expérimenté, connaît son bréviaire rock sur le bout des doigts et sait toujours choisir le bon son, installer une ambiance et trousser une bonne chanson. Bloodline Maintenance ne fait pas exception à la règle. Les chansons se succèdent efficacement, avec juste ce qu'il faut de punch et de groove. Toutefois, on ne peut s'empêcher de remarquer que si c'est tout ça, ce n'est aussi que tout ça. Ces nouveaux morceaux n'apportent que peu de chose à la discographie déjà bien pourvue de Ben Harper. Dans cette nouvelle livraison, une fois passée l'impression de nouveauté, une fois digérés les textes liés à l'actualité (ici, par exemple, Black Lives Matter) combien de titres resteront en tête aux côté des perles de son répertoire ? C'est un bon album, comprenons-nous bien, mais il « fait le job » honnêtement sans proposer d'aller plus loin. Sur scène, ce sera peut-être un autre histoire.
Ben Harper ne fait pas qu'écrire et chanter ; c'est lui aussi qui produit. Il faut donc sans doute mettre à son crédit le très bon son du disque. Il y a une chaleur qui convient aux chansons, mais avec équilibre et clarté. Le mixage laisse distinctement entendre tous les instruments. Mais c'est aussi un son qui manque un peu de charpente, comme une pièce qu'on traverserait trop vite en raison d'un léger déficit en mobilier. C'est ténu, mais c'est presque une question de densité de l'air pendant l'écoute. C'est aussi Ben Harper qui joue presque de tous les instruments, ne se faisant épauler ici ou là que par quelques comparses occasionnels. Cela explique-t-il l'aspect finalement un peu léger de l'ensemble ? Tout un groupe derrière lui aurait-il aidé à donner un peu plus d'ampleur, de richesse, de chair ou d'ambition au disque ? Peut-être...
Il reste qu'une bonne partie des titres ici ont tout de même réussi à venir se loger dans la liste de mes écoutes régulières des derniers jours : We Need to Talk about It et Where Did We Go Wrong au premier chef, vite rejoints par Need to Know Basis (beau roulement de basse et chouette son du petit solo de guitare) et Knew the Day Was Comin'. On doit aussi saluer le travail sur les instruments à vents (saxophone jazzy, trompette, flute,...) de Problem Child et Smile at the Mention. Bref, tout est animé d'un bon esprit, un bon groove et tout s'écoute avec beaucoup de plaisir.
Quoi qu'il en soit, cela reste un album bien agréable, et une proposition bien plus excitante que sa production précédente, une espèce de longue complainte instrumentale un peu austère, jouée sur une guitare de type « lap-steel ». Ce ne sera pas un disque phare de sa discographie, mais néanmoins un beau retour en forme. Son plus gros défaut finalement sera d'être un peu trop court. On remue la tête, on claque des doigts, et puis ça finit trop vite.
C'est tout pour aujourd'hui. Portez-vous bien et écoutez de la musique.
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